Le Projet Archéologique du Rocher des Aures

Rapport préliminaire de la campagne de prospections 2012

par Stephan G. Schmid, Caroline Huguenot et Janick Roussel-Ode

II.a. Les parties centrales du plateau

A la suite des résultats de la campagne de prospections 2011, nous nous sommes concentrés sur le plateau-même du Rocher des Aures pour la campagne 2012 Pour les résultats de la campagne 2011, y compris l’historique de la recherche et la problématique générale, voir le rapport de la campagne 2011, envoyé aux services compétents et partiellement accessible à l’adresse suivante: www.auac.ch/para. . Plus précisément, le but était d’obtenir une image plus complète des structures et du mobilier antique et post-antique encore visibles sur ce plateau. Dans cette perspective, une prospection détaillée a été effectuée, en identifiant, documentant (GPS différentiel, plan, dessin, photos) des structures (murs, clapiers etc.) et en ramassant du mobilier (essentiellement des fragments de tuiles et de céramiques) Un premier aperçu du mobilier ainsi récolté est joint sous forme de tableau à ce rapport, contenant toutes les pièces documentées jusqu’au 12 septembre 2012. Les éléments caractéristiques (fragments de bord, fragments décorés etc.) ont été documentés par des dessins et des photographies. .

Fig. 1: Carte topographique de la région du Rocher des Aures avec structures recensées (plan: J. Falkenberg)
Fig. 1: Carte topographique de la région du Rocher des Aures avec structures recensées (plan: J. Falkenberg)

Les restes visibles ont été dénommés suivant la date de leur découverte et classés en plusieurs catégories (voir. figs. 1 et 2):

  • feature (FT): une concentration de restes „complexes“, p.ex. une terrasse avec plusieurs structures. Ainsi, p.ex., la grande muraille inférieure (FT 1 sur la fig. 2) est considérée comme un „feature“, consistant en un „mur“ et en plusieurs „structures“, à savoir des excroissances rectangulaires souvent identifiées comme des tours; toutefois, leur technique de construction (non intégrées au mur principal, mais adossées), ainsi que leur petite taille et les petits intervalles entre elles va à l’encontre d’une telle interprétation;
  • structure (ST): tout élément autre qu’un simple mur isolé; cela peut être un silo, une citerne ou plusieurs murs interconnectés. Ainsi, les constructions rectangulaires dans le secteur central, probablement des restes d’habitat, sont considérées des „structures“ (p.ex. ST 3 et 8 sur la fig. 2);
  • mur (W, comme „wall“): des murs isolés, où pour le moment aucune appartenance à une structure plus complexe n’est reconnaissable; il peut éventuellement s’agir de murs de terrassement ou simplement de bouts de murs au milieu de clapiers (comme p.ex. W 21 sur la fig. 2).
Fig. 2: Carte du Rocher des Aures avec les structures recensées en 2011 et 2012 (plan: J. Falkenberg)
Fig. 2: Carte du Rocher des Aures avec les structures recensées en 2011 et 2012 (plan: J. Falkenberg)

En 2011, plusieurs éléments du Rocher des Aures, connus depuis longtemps et pour l’essentiel déjà décrits dans la publication d’Alexandre Chevalier Chevalier 1920/1968. , ont fait l’objet de descriptions et de relevés détaillés Voir le rapport de la campagne 2011 (supra n. 1). . Ainsi, la grande muraille inférieure (FT 1 sur la fig. 2), la muraille intermédiaire (FT 2 sur la fig. 2) ou les fortifications et structures du plateau sommital du Rocher des Aures (ST 4. 6. 7 sur lafig. 2) ont fait l’objet de recherches plus intenses. Par ailleurs, nous avions constaté l’existence de structures assez bien conservées, de type rectangulaire et correspondant à des structures d’habitats présumés (maisons ?), situées vers le milieu du plateau (ST 3 et 8 sur la fig. 2). Ces structures-là n’avaient encore jamais été mentionnées, du moins pas expressis verbis. C’est pourquoi en 2012, nous avons choisi d’investir plus de temps sur ces secteurs centraux du plateau, afin de vérifier s’il existe d’autres structures comparables, et si possible d’en déterminer leur chronologie (voir fig. 3).

Fig. 3: Partie centrale du Rocher des Aures (plan: J. Falkenberg)
Fig. 3: Partie centrale du Rocher des Aures (plan: J. Falkenberg)

Il s’est avéré que de telles structures rectangulaires, tout autant visibles et aussi bien conservées en surface, n’existaient apparemment pas en plus grand nombre. En revanche, la quasi totalité du plateau est assez densément occupée par des „clapiers ou tas de pierres provenant des huttes écrasées“, comme les appelait Alexandre Chevalier Chevalier 1920/1968: 46. . Dans leur état actuel, il est bien souvent difficile de déterminer s’ils constituent des restes d’habitat (fig. 4). Il était donc d’autant plus important d’effectuer une prospection systématique sur quelques-uns de ces clapiers.

Fig. 4: Vue à travers le clapier ST 14 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 4: Vue à travers le clapier ST 14 (photo: S. G. Schmid)

Dans ce but, tous les tas de pierres visibles sur l’image satellite extraite de „Google Earth“ ont d’abord été décalqués sur le plan du Rocher des Aures. Ensuite, certains de ces tas de pierres ont été précisément relevés à l’aide du GPS différentiel et systématiquement prospectés. Nous avons ainsi constaté que, à quelques rares exceptions près, tous les clapiers présentent des restes de tuiles, parfois très abondants, et de manière systématique des fragments de tegulae. Sans que cela constitue un indice infaillible, on peut néanmoins en déduire que les clapiers en question comportaient des restes de constructions anciennement couvertes par des toitures.

Fig. 5: Vue des murs 11 et 12 du clapier ST 11 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 5: Vue des murs 11 et 12 du clapier ST 11 (photo: S. G. Schmid)

Dans certains cas, il a en outre été possible de repérer des murs à l’intérieur des clapiers, comme p.ex. dans le cas de la structure 11 (ST 11 sur les fig. 2 et 3; fig. 5). Il s’agit d’un clapier situé sur la même courbe de niveau que les grandes structures rectangulaires (habitats) documentées en 2011 (comme p.ex. ST 8 sur les figs. 2 et 3). L’extension du clapier mesure 10,4 m sur 9,4 m. Tout comme les structures les mieux préservées, la ST 11 impressionne par le choix de son lieu d’implantation, à savoir un secteur où la pente a une inclinaison d’approximativement 36o. Fait remarquable, les côtés de la structure sont très nettement délimités par une abondante végétation, tandis qu’on en trouve aucune trace dans le clapier lui-même, ce qui est dû à la grande quantité de pierres formant une couverture très dense. Si dans un premier temps rien ne semblait indiquer la présence de restes de constructions, un examen plus détaillé a révélé l’existence de plusieurs murs.

Fig. 6: Vue du mur 10 du clapier ST 11 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 6: Vue du mur 10 du clapier ST 11 (photo: S. G. Schmid)

En contrebas du clapier, vers sa limite sud, se trouvent les restes d’un mur assez substantiel (W 10; fig. 6), observable sur une longueur de 3,40 m et une hauteur d’au maximum 1,30 m. Construit en pierres sèches non équarries et sans couches régulières, ce mur était certainement plus long, mais ses limites sont désormais recouvertes par les pierres du clapier. Plus haut, à l’intérieur du tas de pierre, ont été documentés deux murs (W11, W12; fig. 5), formant un angle droit. Le mur construit perpendiculairement à la pente du plateau (W11) est visible sur une longueur de 1,67 m et montre une hauteur préservée de 0,55 m, tandis que le mur suivant la courbe de niveau (W12) est visible sur 0,30 m avec une hauteur de 0,34 m. W11 montre un parement interne et externe; il est comblé par de petits cailloux et du mortier à l’intérieur. A l’angle formé par les deux murs, on observe que les deux murs sont interconnectés; ils ont donc dus être construits en même temps et doivent appartenir au même bâtiment. Sans que la nature de ces constructions puisse être précisée, la découverte inattendue, à cet endroit, d’un fragment d’architecture en calcaire (fig. 7) suggère une certaine monumentalité, au moins pour une partie des constructions du Rocher des Aures.

Fig. 7: Fragment d’architecture provenant de la ST 11 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 7: Fragment d’architecture provenant de la ST 11 (photo: S. G. Schmid)

Bien que la ST 11 en constitue le meilleur exemple, d’autres clapiers appartiennent à la même catégorie, c’est-à-dire constitués de tas de pierres comportant quelques restes de murs. Ceci est le cas des clapiers ST 9, 10, 12, 14, 15, 16 (figs. 2 et 3). Dans les autres secteurs prospectés, aucun reste de structures n’a pu être documenté sur les clapiers, mais des fragments de tuiles et de céramiques ont partout été recensés. Sachant que le mobilier (tuiles, céramiques, fragments de verre etc.) retrouvé sur les clapiers sans structures visibles est essentiellement identique à celui recueilli sur les clapiers associés à des tronçons de murs visibles (comme la ST 11) ainsi que sur les constructions rectangulaires clairement visibles, telles que les ST 3 et 8 (voir figs. 2 et 3), il est possible de suggérer que la plupart des clapiers correspondent à des constructions couvertes par des toitures en tegulae et imbrices, pour la plupart bien probablement des maisons. A titre d’exemple, on citera ici le clapier ST 19, l’un des plus grand tas de pierres observé sur tout le plateau du Rocher des Aures. A l’exception d’un éventuel mur dans sa partie inférieure (voir fig. 3), aucun reste de construction n’y a été repéré. En revanche, la ST 19 constitue l’un des secteurs les plus riches en céramiques – y compris des fragments de terre sigillée – et en fragments de tuiles, comme en témoignent quelques exemples illustrés sur les figs. 10, 11, 17, 19.