Le Projet Archéologique du Rocher des Aures

Rapport préliminaire de la campagne de fouilles 2014

par Stephan G. Schmid (responsable)

III. Résultats de la campagne 2014 – 1. Le sondage 1: Observations stratigraphiques

Dans le sondage 1, il s’est rapidement avéré que le « grand » mur n’était vraisemblablement pas aussi large que les rapports antérieurs le suggèrent Chevalier 1920/1968 : 57 donne une largeur entre 2 et 3 m, reprise dans la CAG (Planchon – Bois – Conjard-Réthoré 2010 : 517 s.v. Roche-St-Secret-Béconne [J. Roussel-Ode – J. Planchon]), tandis que lors de nos prospections en 2011, nous avions estimé une largeur de 2.5 à 5 m en nous basant, en dehors du parement extérieur visible, sur l’alignement de la végétation comme indicateur du parement intérieur (cf. rapport préliminaire 2011). .

Rien qu’en dégageant les blocs arrachés de la surface de ce mur, nous avons pu constater que son épaisseur est en effet considérablement inférieure à celle supposée jusque-là (voir la fig. 7 qui montre le sond. 1 après nettoyage, mais avant le début de la fouille). Après avoir effectué un premier décapage des deux côtés du mur (entre 20 et 30 cm selon les endroits), ses limites sont apparues très distinctement et indiquent donc une épaisseur maximale entre 1.20 m et 1.40 m (cf. également figs. 8. 20). Ces dimensions demeurent identiques jusqu’au niveau du rocher, atteint à une altitude de 594.01 m du côté ouest (en aval du mur), et de 594.67 m du côté est (en amont du mur), pour une hauteur de mur conservée au maximum jusqu’à 1.34 m à l’intérieur du sondage 1.

Fig. 7 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 1–3. 11 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 7 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 1–3. 11 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 8 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 4–7. 12–14 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 8 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 4–7. 12–14 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 9 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 8. 9. 20–22 (Schmid / W. Kennedy)
Fig. 8 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 4–7. 12–14 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 10 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 19. 23. 24. 29. 32. 34. 35 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 10 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 19. 23. 24. 29. 32. 34. 35 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 10 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 19. 23. 24. 29. 32. 34. 35 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 10 : Vue aérienne (quadrocoptre) du sondage 1 avec répartition des UF 19. 23. 24. 29. 32. 34. 35 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 11 : Photo-mosaïque du décapage 5 (état final) dans le secteur est du sondage 1 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 11 : Photo-mosaïque du décapage 5 (état final) dans le secteur est du sondage 1 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 12 : Photo-mosaïque du décapage 7 (état final) dans le secteur ouest du sondage 1 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)
Fig. 12 : Photo-mosaïque du décapage 7 (état final) dans le secteur ouest du sondage 1 (photo : S. G. Schmid / W. Kennedy)

On peut se demander si ce mur, sensé être le rempart principal de l’éperon barré, ne mesure en effet que 1.20 à 1.40 m de large ou s’il ne constitue pas éventuellement le parement extérieur d’un mur à double parement, ce qui nous a incité à chercher les possibles traces d’un parement intérieur. Toutefois, aucune trace pouvant être identifiée comme telle n’a pu être décelée dans les 4.40 m de long du sondage 1, qui s’étend après le mur en direction est et donc vers l’intérieur de l’oppidum ; d’autre part, la texture ainsi que la constitution des UF derrière le mur montrent clairement qu’une telle construction n’a jamais existé (voir infra).

Fig. 13 : Vue du côté extérieur du mur 1 (photo : S. G. Schmid)
Fig. 13 : Vue du côté extérieur du mur 1 (photo : S. G. Schmid)
Fig. 14 : Vu du côté sud sur le mur coupé avec la « tour » qui s’appuie contre le mur (photo : S. G. Schmid)
Fig. 14 : Vu du côté sud sur le mur coupé avec la « tour » qui s’appuie contre le mur (photo : S. G. Schmid)

Dans un premier temps, nous avons donc fouillé des deux côtés du mur jusqu’au niveau du rocher. Puis nous avons démonté ce mur, également jusqu’au niveau du rocher. La matrice de Harris de la fig. 22 indique quels UF correspondent au mur (en gris foncé), à savoir les UF 25–29 et 30. La présumée tour a également été coupée, et les UF lui correspondant sont les UF 11, 15 et 21 (indiqués en gris clair sur la fig. 22). En dernier lieu, nous avons constaté, tout en bas mais à l’extérieur du mur, à savoir sous la « tour » (cf. infra), mais pas directement intégrée dans le mur, la présence d’un paquet de terre assez compacte comprenant une grande quantité de céramique. Afin de pouvoir le séparer et l’interpréter séparément si nécessaire, nous lui avons attribué les UF 19 et 21. La photographie du mur avant son démantèlement (fig. 13) donne l’impression qu’il repose sur une couche de terre. En fait, cette couche correspond aux UF 19 et 21, mais elle n’a pu être fouillée qu’une fois le mur démonté, sans quoi ce mur aurait pu s’effondrer. Plusieurs constats relatifs à ce mur et à sa construction ont ainsi été possibles :

  • 1. La présumée tour ne faisait apparemment pas partie de la construction initiale du mur. Comme on le voit clairement sur les figs. 14 et 16–18, cette construction rectangulaire n’est pas intégrée au mur, mais seulement appuyée contre lui. De plus, ses fondations n’arrivent pas aussi bas que celles du mur (figs. 14. 18. 21), c’est-à-dire au niveau du rocher. Cette structure qui mesure 1.40 sur 2 m était visiblement creuse à l’intérieur (figs. 14. 16. 18) et sa fonction reste à ce jour énigmatique Voir quelques réflexions infra n. 51. .
  • 2. Le mur lui-même se laisse séparer en deux sections qui ont également une importance chronologique, comme nous allons le constater (cf. infra). Dans sa partie supérieure, il est construit de façon peu soignée (figs. 13. 14. 17. 18) : les pierres ne sont pas posées de manière compacte, laissant des espaces creux dans lesquels plusieurs fragments de céramique sont insérés (= UF 25–27). Dans sa partie inférieure (= UF 28, 29), la construction paraît plus méticuleuse : les pierres sont posées de manière ordonnée et plus serrée (fig. 15). Néanmoins, une grande quantité de céramique se trouvait dans la terre remblayant les interstices entre les blocs, ce qui facilite la détermination chronologique de la phase initiale du mur. La différence entre les céramiques de la partie supérieure et celles de la partie inférieure réside dans le fait que, en dehors de leur chronologie différente, les fragments de la partie supérieure montrent des traces de dépôts de calcaire, indice de leur contact avec des infiltrations d’eau de pluie dans ce secteur à l’air libre. Pour la partie supérieure tout comme pour la partie inférieure, la taille des pierres de construction varie entre 20 x 40 cm et 40 x 50 cm. La hauteur des assises comprenant les plus gros blocs varie entre 10 et 15 cm ; leurs interstices sont remplis de cailloux et de graviers. A l’endroit où nous avons démonté le mur, il était préservé sur une hauteur totale de 1,34 m.
  • 3. Le mur a été directement construit sur le rocher, comme on le constate sur les photos (figs. 14. 16–18) et sur le dessin (fig. 21). A l’endroit où le mur devait être implanté, ses constructeurs ont taillé un petit replat dans le rocher afin d’offrir un meilleur accrochage au mur. Une couche de petits cailloux (UF 29, 30) servait à équilibrer le terrain qui, malgré le replat, reste pentu ; elle sert de base aux blocs plus substantiels du mur proprement dit, mesurant entre 20 et 50 cm de long.
  • 4. Le rocher semble nettement mieux « travaillé » en aval du mur qu’en amont (cf. fig. 11 avec fig. 12). Du côté ouest du mur (= à l’extérieur), le rocher se présente de manière presque lisse (fig. 12), tandis que sous le mur (fig. 12 à droite ; fig. 16 à droite ; figs. 17. 18) et de son côté est (= à l’intérieur, fig. 11), il apparaît très irrégulier, permettant de distinguer clairement les traces d’extraction des blocs. Ainsi, en aval (= avant) du mur le rocher semble former une sorte de glacis, rendant une éventuelle attaque plus difficile. Parmi les exemples de remparts de la fin de l’Âge du bronze construits à l’aide de talus de terre, on observe d’ailleurs la construction de véritables glacis au moyen de cette technique Edeine 1966 : 251. 259. 262 et passim. Comme nous allons le constater dans le cadre de la discussion des éléments chronologiques (infra), c’est vers cette époque que notre attention devra se tourner. .
  • 5. Le mode de construction décrit ci-dessus caractérise l’ensemble du mur ; il ne s’agit donc en aucun cas d’un mur à double parement. En plus des éléments déjà exposés plus haut et des observations concernant l’emplacement des éléments datants dans les UF (voir infra), la forte pente du terrain naturel vient confirmer ce constat : après le mur, la pente grimpe encore sur une longueur de 4,40 m en direction de l’est (voir fig. 21) et ce n’est qu’après le sondage 1 que le terrain commence à s’aplatir un peu. Pour faciliter et optimiser la construction d’un mur à double parement, il eût fallu l’implanter de manière à ce que son parement extérieur se situe tout en haut de la pente, voire sur la crête, et son parement intérieur un peu plus loin, sur la surface plate. On aurait également pu envisager la construction d’une fortification à un seul parement avec une levée de terre ou talus accumulé à l’arrière du mur De manière générale pour ce type de construction, voir Ginouvès 1998 : 20. . Ainsi, l’emplacement de notre mur serait associé avec un talus butant contre la pente, mais la stratigraphie s’oppose à cette interprétation (infra).

Si ces points concernant le mur semblent assez clairs, les résultats de cette campagne soulèvent néanmoins plusieurs questions. Un premier point concerne l’impressionnant amas de pierres attribuées à la démolition du mur, et qui permet du reste de deviner son tracé même sur des images satellites (cf. figs. 3. 4). Cette masse peut difficilement être associée à une construction ne mesurant que 1.20 à 1.40 m de large, qui impliquerait une hauteur fortement déséquilibrée par rapport à l’épaisseur. Il vaut donc mieux attribuer une partie de cette démolition à des structures importantes se situant à proximité du mur, derrière lui.

Fig. 15 : Vue des assises inférieures du mur (photo : S. G. Schmid)
Fig. 15 : Vue des assises inférieures du mur (photo : S. G. Schmid)
Fig. 16 : Vue du secteur ouest du sondage 1 après le démontage d’une partie du mur (photo : S. G. Schmid)
Fig. 16 : Vue du secteur ouest du sondage 1 après le démontage d’une partie du mur (photo : S. G. Schmid)

En effet, dans la forêt derrière le sondage 1 (= à l’est), des structures sont visibles, sans que l’on puisse, en l’état des recherches, se prononcer sur leur relation chronologique avec le rempart. Signalons qu’à l’intérieur du sondage 1, deux alignements de pierres sont apparus dans le décapage 3. Dans un premier temps, ils ont été interprétés comme de possibles murets (fig. 19). Plus clairement visibles sur les images aériennes (fig. 9, entre UF 8 et UF 9, voir à l’angle nord du sondage en haut de UF 8), la suite da la fouille a toutefois montré qu’il s’agissait d’alignements de pierres accidentels.

Fig. 17 : Vue en direction du Nord sur la partie démontée du mur (photo : S. G. Schmid)
Fig. 17 : Vue en direction du Nord sur la partie démontée du mur (photo : S. G. Schmid)
Fig. 18 : Vue sur la coupe du mur avec le mur, la « tour » et le débris à l’intérieur de la « tour » (photo : S. G. Schmid)
Fig. 18 : Vue sur la coupe du mur avec le mur, la « tour » et le débris à l’intérieur de la « tour » (photo : S. G. Schmid)

Du côté du parement intérieur, la zone comprenant la partie haute du sondage 1 n’a pas livré d’autres traces de constructions, tout moins rien de tel n’a pu être constaté. Aucune construction en matériaux durable, ni aucun trou de poteau ne sont apparus. Juste derrière le mur (couche no. 9 sur fig. 21, correspondant aux UF 31 et 35 ; voir fig. 22) se trouvait la partie de sa démolition tombée du côté est, tandis que la plus grande partie du mur semble s’être écroulée vers l’ouest, dans le sens de la pente, donc du côté extérieur du mur. Le reste de la surface a été passablement perturbé par les racines des arbres. Par ailleurs, la forte pente dans ce secteur ne se prête guère à l’implantation de structures, d’autant plus qu’à peine quelques mètres plus loin, vers l’est, le terrain s’aplatit et présente donc des conditions plus favorables à toute forme de construction.

Fig. 19 : Sondage 1 est (= partie supérieure), vue ouest avec alignements de pierres (photo : S. G. Schmid)
Fig. 19 : Sondage 1 est (= partie supérieure), vue ouest avec alignements de pierres (photo : S. G. Schmid)
Fig. 20 : Sondage 1 est (= partie supérieure), vue ouest avec parement interne du mur (centre) (photo : S. G. Schmid)
Fig. 20 : Sondage 1 est (= partie supérieure), vue ouest avec parement interne du mur (centre) (photo : S. G. Schmid)

Le côté extérieur du mur est principalement occupé par des amas de blocs écroulés. Sur les photos ainsi que sur la coupe stratigraphique, on observe que la « tour » (ST 2 sur fig. 2) repose sur une couche épaisse de terre avec grand nombre de petite pierres (couches no. 12 et 13 sur fig. 21, correspondant surtout à l’UF 21 et partiellement à l’UF 23 sur fig. 22 ; cf. figs. 14. 18).