Le Projet Archéologique du Rocher des Aures

Rapport préliminaire de la campagne de prospections 2011

par Stephan G. Schmid et Caroline Huguenot

III. La partie supérieure du rocher

La partie supérieure du plateau (secteurs C12–13), vers la pointe orientale, est elle aussi divisée et fortifiée par une série de murs continus (fig. 16). Ceux-ci se distinguent des précédents par leur technique de construction, qui comprend du mortier, et appartiennent donc à une époque plus récente. Il est à remarquer que les moindres irrégularités du rocher sont désormais systématiquement compensées par des murs soigneusement érigés, comme le montre de façon explicite un exemple de l’arête nord (fig. 17) La fig. 17 illustre un tel mur sur l’arête nord du plateau sommital, à l’emplacement du numéro 1 indiqué en rouge sur la fig. 16. , de telle sorte qu’un bastion parfaitement entouré de falaises abruptes et de murs a été crée.

Fig. 16: Structures au sommet du plateau à l’est (plan: J. Falkenberg)
Fig. 16: Structures au sommet du plateau à l’est (plan: J. Falkenberg)
Fig. 17: Haut mur de nivellement sur l’arête nord du plateau sommital (photo: S. G. Schmid)
Fig. 17: Haut mur de nivellement sur l’arête nord du plateau sommital (photo: S. G. Schmid)
Fig. 18: Angle du mur (pièce, tour?) sur l’arête sud du plateau sommital (photo: S. G. Schmid)
Fig. 18: Angle du mur (pièce, tour?) sur l’arête sud du plateau sommital (photo: S. G. Schmid)

Sur la falaise sud en face, un angle de ce mur est conservé, peut-être une pièce ou une tour (fig. 18) A l’emplacement du numéro 2 indiqué en rouge sur la fig. 16. Ce coin de mur a visiblement déjà fait l’objet d’une fouille partielle, tout comme plusieurs autres endroits sur le plateau sommital, sans qu’on puisse les lier à des activités précises et publiées. . Le système d’approvisionnement en eau de ce bastion consistait en au moins une citerne construite (fig. 19), toujours bien visible et déjà mentionnée dans tous les rapports plus anciens. Une utilisation intensive tardive de cette pointe est également soulignée de manière évidente par de la céramique médiévale glaçurée (figs. 20. 21), toutefois mélangée à des tegulae gallo-romaines et des fragments de dolium.

Fig. 19: Citerne construite sur le plateau sommital (photo: S. G. Schmid)
Fig. 19: Citerne construite sur le plateau sommital (photo: S. G. Schmid)
Fig. 20: Céramique, plaquette en bronze et fragments d’enduits muraux peints provenant de la structure angulaire sur la fig. 22 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 20: Céramique, plaquette en bronze et fragments d’enduits muraux peints provenant de la structure angulaire sur la fig. 22 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 21: Céramique de la structure angulaire sur la fig. 22 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 21: Céramique de la structure angulaire sur la fig. 22 (photo: S. G. Schmid)

L’occupation autrefois dense de l’ensemble du plateau à l’arrière du grand mur occidental est indiquée par de nombreux amas de pierres plutôt informes, mélangés à des fragments de tuiles, qui peuvent probablement être identifiés comme des restes d’habitats (fig. 23). Il correspondent aux structures qualifiées de „clapiers“ par A. Chevalier Chevalier 1920, 59. , qu’il a signalé en hachuré sur toute la superficie intérieure de son plan (voir fig. 3).

Fig. 22: Structures rectangulaires dans les secteurs C8–9 – D8–9 (plan: J. Falkenberg)
Fig. 22: Structures rectangulaires dans les secteurs C8–9 – D8–9 (plan: J. Falkenberg)
Fig. 23: „Clapier“ avec fragments de tuiles (photo: S. G. Schmid)
Fig. 23: „Clapier“ avec fragments de tuiles (photo: S. G. Schmid)

Dans certains secteurs, en particulier en des endroits difficilement accessibles, ont été relevées des structures clairement rectangulaires, dont le mur de terrasse côté pente, à certains endroits conservé sur plus d’un mètre de haut (secteurs C8, D8, D9 sur la fig. 5; fig. 22). Lors de la documentation de ces structures, le tracé des murs est parfois constaté de manière indirecte, les arbres et buissons prenant de préférence racine des deux côtés des murs. Pour cette raison, certains arbres ont été mesurés pour le plan sur la fig. 22, puisque ceux-ci suivent une parfaite ligne droite associée au mur.

Fig. 24: Structure d’habitat (?) dans le secteur C8 depuis le nord (photo: S. G. Schmid)
Fig. 24: Structure d’habitat (?) dans le secteur C8 depuis le nord (photo: S. G. Schmid)
Fig. 25: Mur inférieure de la structure d’habitat (?) dans le secteur C8 depuis le nord-ouest (photo: S. G. Schmid)
Fig. 25: Mur inférieure de la structure d’habitat (?) dans le secteur C8 depuis le nord-ouest (photo: S. G. Schmid)

La structure consistant en plusieurs pièces rectangulaires dans l’angle sud-ouest du secteur C8 (voir fig. 22) se caractérise par un mur extérieur de facture soignée comprenant du mortier et fermant visiblement la construction du côté de la pente au sud-ouest (figs. 24. 25). L’installation relevée quelques mètres au sud-ouest dans le secteur D8, la plus grande en l’état des recherches, est conçue de la même manière. La pente est particulièrement abrupte en cet endroit, comme le montre la fig. 26, pour laquelle on a tenté de tenir l’appareil photo le plus horizontalement possible.

Fig. 26: Structure d’habitat (?) dans le secteur D8 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 26: Structure d’habitat (?) dans le secteur D8 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 27: Mur inférieur de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 depuis l’ouest (photo: S. G. Schmid)
Fig. 27: Mur inférieur de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 depuis l’ouest (photo: S. G. Schmid)

Le mur clôturant la construction plus bas côté pente est tout aussi massif et à certains endroits encore conservé sur plus de deux mètres de haut (figs. 27. 28). Sur un tronçon passablement détruit on distingue l’emploi assez abondant de mortier (fig. 29), contenant également des restes de céramique et de tegulae. Pour résister à la pression de la pente, les assises inférieures du mur, construites de blocs plus grands, sont plus larges que les assises inférieures, donnant ainsi au mur un profil courbe (fig. 28 à droite).

Fig. 28: Mur inférieur de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 depuis l’ouest, partie la mieux conservée (plan: M. Haufe, C. Huguenot et S. G. Schmid)
Fig. 28: Mur inférieur de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 depuis l’ouest, partie la mieux conservée (plan: M. Haufe, C. Huguenot et S. G. Schmid)
Fig. 29: Partie écroulée du mur sur la fig. 31 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 29: Partie écroulée du mur sur la fig. 31 (photo: S. G. Schmid)

A l’intérieur et autour de cette installation ont été recensés quantités de tessons, plusieurs fragments de verre ainsi qu’un grand nombre de tegulae et d’imbrices (fig. 30–32). La majorité de la céramique, grise et claire, appartient ici aussi à la catégorie kaolinitique (fig. 30 rangée de gauche et du milieu; fig. 31), mais on note aussi la présence de fragments d’amphore de transport (fig. 30 au milieu à droite) ainsi que de grands dolia (fig. 30 en haut à droite), qui se caractérisent par une argile typique, avec des inclusions très grossières et de couleur rouge. Les vases en céramique kaolinitique, de production soignée et de formes précises, suggèrent une datation au début et au milieu de l’époque impériale Voir les données supra notes 7 et 9. . Les fragments de dolia appartiennent à la même période Meffre – Buisson-Catil 1995, 39–40. . Les tegulae semblent bien confirmer ces premiers jalons chronologiques.

Fig. 30: Céramique et verre de la partie intérieure de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 30: Céramique et verre de la partie intérieure de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 31: Céramique de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 31: Céramique de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 32: Tuiles des zones intérieures et alentours de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 (photo: S. G. Schmid)
Fig. 32: Tuiles des zones intérieures et alentours de la structure d’habitat (?) dans le secteur D8 (photo: S. G. Schmid)

Sur plusieurs exemplaires, des encoches ont pu être constatées dans la partie inférieure, favorisant leur pose lors de la réalisation d’une toiture (fig. 32). Elles appartiennent aux groupes B et C de la typologie établie par Warry, datés respectivement des années 100–180 ap. J.-C. et 160–260 ap. J.-C. Warry 2006, passim bes. 263. . Bien que la recherche de P. Warry repose sur des tuiles trouvées en Grande Bretagne, le grand nombre des exemplaires examinés ainsi que la systématisation extrême de la production de tuiles romaines laissent supposer que des datations comparables peuvent être avancées pour d’autres provinces de l’Empire romain. La typologie largement plus complexe proposée récemment par Benjamin Clément pour la Vallée du Rhône et les régions environnantes aboutit pour nos tegulae à une image un peu moins homogène, qui les situerait entre la période républicaine tardive et le Haut Empire Clément 2009. Cette typologie se fonde en grande partie sur des tuiles complètes avec une majorité de caractéristiques typologiques, qui ne peut ici guère aider au classement des pièces fragmentaires retrouvées. . Finalement, il faut signaler que dans les environs tout proches des structures décrites, dans le secteur D–E9, des fragments de terre sigillée ont été trouvés (fig. 14, 5–7). Le fragment illustré fig. 14, 5 est issu d’un atelier nord italique; il s’agit de la partie d’un pied, sans doute une petite écuelle Le profil de la partie inférieure interne se rencontre à plusieurs reprises sur des pieds comparables: Ettlinger et al. 1990, 153. . Les deux autres fragments pourraient provenir d’une production de Gaule méridionale.

Fig. 33: Superficie des différentes zones sur et autour du Rocher des Aures (plan: J. Falkenberg)
Fig. 33: Superficie des différentes zones sur et autour du Rocher des Aures (plan: J. Falkenberg)

Bien sûr, les informations recueillies à ce jour ne suffisent pas à se faire une idée sur la question des structures internes, c’est-à-dire de l’aménagement urbain de l’oppidum du Rocher des Aures. On peut seulement relever que les observations faites jusqu’ici s’intègrent sans problème dans la variété des trames urbaines des oppida d’Europe méridionale Voir la présentation sélective de Garcia 2004, 143–165. .

Fig. 34: Carte de répartition des enceintes de type „Pfostenschlitzmauer“ et murus gallicus, indiquant la limite de la culture des oppida d’Europe centrale, emplacement du Rocher des Aures en rouge (d’après Fichtl 2005, 49)
Fig. 34: Carte de répartition des enceintes de type „Pfostenschlitzmauer“ et murus gallicus, indiquant la limite de la culture des oppida d’Europe centrale, emplacement du Rocher des Aures en rouge (d’après Fichtl 2005, 49)

Des remarques analogues à celles déjà effectuées pour les secteurs C8–D9, toutefois dans un premier temps sans relevé systématique, ont déjà pu être proposées pour les pentes et terrasses du secteur au sud du plateau (secteurs F4–H13 sur la fig. 5), où sont présents de nombreux tronçons de murs de plus petite envergure, ainsi que des restes de plus grands murs, les fameux „cordons de murs“ d’A. Chevalier sur la fig. 3. Si l’on prend en compte cette surface, la superficie totale de l’occupation de l’oppidum grandit considérablement (fig. 33). Le noyau de l’implantation sur le plateau rocheux à l’arrière de la „rempart“ ouest (en rouge sur la fig. 33) comprend 6,8 ha. Tandis que les secteurs juste en-dessous, c’est-à-dire à l’ouest de la muraille massive (en jaune sur la fig. 33) et dans le vallon très échancré au nord du plateau (en bleu sur la fig. 33) ne semblent pas propice à l’habitat, les secteurs sud intérieur (en orange sur la fig. 33) et extérieur (en vert sur la fig. 33), comprennent de nombreux restes de murs; d’une superficie respective de 10,4 et 2,4 ha, ils permettent d’évaluer la totalité de la surface construite de l’oppidum à assez exactement 20 ha, sans que, pour le moment on puisse s’exprimer sur une éventuelle contemporanéité ou non de ces occupations.

Fig. 35: Carte des plus importants oppida celtes de Gaule méridionale, emplacement du Rocher des Aures en rouge (d’après Garcia 2004, 9)
Fig. 35: Carte des plus importants oppida celtes de Gaule méridionale, emplacement du Rocher des Aures en rouge (d’après Garcia 2004, 9)